Nos amis à poil, gavés de croquettes et autres
friandises industrielles, souffrent eux aussi de
troubles pathologiques liés à leur alimentation.
Un mode de nutrition de plus en plus critiqué,
au grand dam des majors de la grande
distribution.
"Ton alimentation sera ta meilleure médecine. "
Cette citation d'Hippocrate, la Facco, la
chambre syndicale des fabricants d'aliments pour
chiens, chats, oiseaux et autres animaux
familiers, l'a faite sienne. C'est dire le degré
d'exigence affiché par cette industrie qui
propose pour les chiens et chats (environ 17
millions en France, sans parler des furets) un
aliment paré de toutes les vertus ( ?)
nutritives et préventives en matière de santé
animale : la croquette ! Depuis les années 60,
qui ont vu l'essor des aliments secs sur le
marché, l'industrie a multiplié les segments
spécialisés afin de répondre aux besoins
nutritifs de l'animal. Et développé aussi un
marketing agressif : espèce, race, activité,
taille, âge, condition physique, pathologie...
réclament chacun leur aliment. Des gammes de
croquettes sont même exclusivement réservées par
les *grandes marques…sic ?*
à la distribution vétérinaire, leur donnant la
fonction de véritables alicaments. De quoi
mettre le consommateur en confiance, d'autant
qu'en termes d'utilisation on n'a jamais fait
plus pratique : ouvrir le sac, verser, prévoir
de l'eau propre et fraîche, et en moins de temps
qu'il n'en faut pour le dire le repas de
l'animal est prêt à être ingurgité.
Le marché, en France, est florissant. Il est
évalué à 2,5 milliards d'euros. Pas étonnant
qu'on y retrouve des mastodontes comme Colgate,
avec Hill's,
ou encore Procter & Gamble, avec
Eukanuba et Iams.
Et, bien sûr, des poids lourds de
l'agroalimentaire. Nestlé possède entre autres
Purina One, ProPlan, Friskies, Felix. Mars
Incorporated détient notamment
Royal Canin, Canigou, Ronron, Frolic, Whiskas et
Pedigree.
Céréales ou viande crue ?
Pourtant, la croquette est loin de faire
l'unanimité. Sur le Web, l'un des sites
critiques les plus complets est sans doute
http://www.b-a-r-f.com animé par le Suisse
Pieter Wenk ou encore l’association SNAC
Présidente Mme Poncet
http://www.croquettes-chats-chiens.com
Chez b-a-r-f- Depuis le décès prématuré de son
chien, dû selon lui, à l'alimentation
industrielle, il compile une importante
documentation mettant en cause les croquettes.
Le nom Barf, en lui-même, n'est pas neutre. Ce
sigle anglais, qui signifie biologically
appropried raw food ("nourriture crue appropriée
sur le plan biologique"), ou encore bones and
raw food ("os et nourriture crue"), rassemble
des partisans de régimes alimentaires d'origine
australienne lancés à la fin des années 70.
Apparemment de bon sens, ces régimes cherchent à
respecter la nature des carnivores qui à l'état
naturel ne consomment que de la viande crue, ce
qui éviterait, selon leurs thèses, un certain
nombre de problèmes de santé, comme le dépôt de
tartre sur les dents et ses conséquences
sanitaires
parfois graves.
Or, précisément, dans les croquettes, non
seulement les aliments sont cuits pour éliminer
les agents pathogènes, mais on y trouve aussi
des produits végétaux, "en quantité astronomique,
précise le Dr Gérard Lippert, vétérinaire à
Bruxelles.
Jusqu'à 60 % de céréales
! Le chien ou le chat n'est pas capable de les
digérer correctement.
Avec l'eau qu'il doit obligatoirement boire pour
accompagner ses croquettes, son estomac
travaille comme une bétonneuse.
Dans sa carrière, le Dr Jean-Louis Thillier,
spécialiste de la physiopathologie humaine, a
utilisé le chien pour modéliser ses recherches
sur l'homme. Ses analyses vont dans le même sens
que celles du Dr Lippert : "Chez les canidés, il
y a une
recrudescence de décès
par torsion d'estomac depuis 1999. En vingt ans,
l'espérance de vie de certaines races de grands
chiens est passée de
dix à cinq ans.
Cette évolution est parallèle à la courbe de
croissance de la consommation de croquettes.
Simple coïncidence ? Le pionnier du Barf, le Dr
Ian Billinghurst, explique avoir remarqué
l'émergence de pathologies au moment où la
nourriture industrielle est apparue en
Australie. En France, même constat pour le Dr
Hervé Jeanbourquin
(adhérent à la SNAC),
l'un des rares vétérinaires à oser publiquement
questionner l'alimentation industrielle : "En
trente ans d'activité professionnelle, j'ai vu
apparaître chez le chat et le chien des
pathologies qu'on ne voyait pas avant, ou alors
pas à de telles fréquences, comme le diabète ou
encore le cancer. Empiriquement, nous avons
cherché des causes possibles et nous avons
obtenu des résultats en modifiant
l'alimentation."
Au pays de Jacques Brel, Gérard Lippert s'est
posé les mêmes questions : "De 2001 à 2003, j'ai
mené une étude sur
600 décès de chiens.
J'en suis arrivé à la conclusion,
qui m'a valu d'être convoqué devant le Conseil
de l'ordre,
que les chiens nourris industriellement ont en
moyenne trois ans d'espérance de vie en moins,
tous sexes, tailles et races confondus." Une
étude dont il a tiré un livre, la Malbouffe ou
la vie (éd. Résurgence). "Faites le calcul de ce
que vous coûte la nourriture industrielle d'un
animal par jour. A ce prix-là, qui inclut les
marges des fabricants et des distributeurs,
ne vous attendez pas à de la qualité.
*Or, il est plus
économique d'investir dans l'alimentation si en
échange on évite des maladies et des visites
fréquentes chez le vétérinaire*, explique le Dr
Jeanbourquin. Sylvio Faurez, ancien président du
Syndicat de défense des éleveurs de chiens et de
chats d'origine (Sdecco), lui donne raison :
"Depuis que nous somme passés à un régime à base
de viande hachée crue, nous avons diminué les
frais vétérinaires de notre élevage."
Des convergences troublantes. En tout cas, pour
la chaire d'alimentation de
l'Ecole nationale vétérinaire de Maisons-Alfort,
les mises en accusation des croquettes sont
abracadabrantes (sic… ?). Evidemment ils sont
partenaires des Pets-Food. Ils disent que *les
torsions d'estomac se produisent uniquement chez
les chiens de grande taille à la suite d'un gros
repas croquettes ou autre, suivi immédiatement
d'une activité physique*, explique le Pr
Bernard-Marie Paragon
(encore lui).
Avec la croquette, si l'animal ne boit pas, il
faut six heures pour digérer. Deux heures s'il
est hydraté. Quant aux cancers et autres
pathologies en augmentation, les causes sont à
chercher du côté de la pollution
(???)
et de notre environnement, qui s'est
considérablement modifié. ???
Pour ce spécialiste universitaire de la
nutrition, la croquette est hors de cause ???
Elle serait même un aliment complet
( ?)
qui couvre tous les besoins nutritionnels de
l'animal, pratique et pas cher - même si le haut
de gamme tutoie les prix de l'alimentation
humaine. Selon le nutritionniste animal,
les progrès de la connaissance médicale sont
immédiatement intégrés aux formulations.
Pourquoi pas donc, mais avec certaines réserves
: un chat qui mange ses croquettes sans boire
risque de développer des calculs urinaires.
Seuls environ 2 % des animaux ne tolèrent pas
les aliments industriels
(sic… ???).
Ce n'est pas un défaut de l'aliment, mais plutôt
un défaut de l'animal
(sic.. ?).
Pour eux, il faudrait rechercher d'autres modes
alimentaires. Sans faire n'importe quoi. "Le
chat est resté un prédateur, rappelle le
professeur. Pas le chien, qui dépend totalement
de l'homme pour se nourrir et qui s'est habitué
aux restes de la cuisine humaine. A cet égard,
la mode du cru relèverait du fantasme et ne
serait pas sans danger : un poulet entier cru
d'origine douteuse, porteur de salmonelles, peut
être fatal au chien et éventuellement intoxiquer
toute la famille. "
Reste donc à faire cuire le poulet...
De son côté, la Facco a beau jeu d'affirmer que,
contrairement aux *légendes* et *idées reçues*,
elle n'utilise pas de déchets dans
l'alimentation animale.
En Allemagne, Hans-Ulrich Grimm, ancien
journaliste du Spiegel, s'intéresse depuis
plusieurs années à l'industrie agroalimentaire.
Publiée en 2009, son enquête sur l'alimentation
animale, Katzen würden Mäuse kaufen ("Les chats
achèteraient des souris", non traduite en
français),
a bien failli ne jamais voir le jour.
"L'industrie a voulu faire interdire mon livre.
J'y révélais que, contrairement à ses
allégations, elle utilise bien des déchets pour
sa production."
Ces déchets sont des éléments de la chaîne
alimentaire industrielle considérés comme
impropres à la consommation humaine, sans être
pour autant nécessairement dangereux. En fait,
il s'agit, pour l'industrie, de valoriser ces
matières, qui autrement seraient détruites. Mais
imaginez la tête d'un propriétaire découvrant
que ce qu'il promet à son compagnon est fabriqué
à partir de déchets ? Alors motus sur leur
utilisation !
Des contrôles inexistants
Seules des études approfondies menées sur la
composition des croquettes pourraient ramener de
la sérénité dans ce débat. Or elles n'existent
pas.
"J'ai été frappé par l'absence de critiques
scientifiques sur la nourriture industrielle
animale alors que l'alimentation industrielle
humaine fait, elle, l'objet d'importants débats
en matière de santé", confie Hans Grimm.
Justement, que penser de tous ces additifs
incorporés aux croquettes ?
"Pour beaucoup de consommateurs, le mot
"additif" a une connotation péjorative à
l'inverse de "naturelle". Ces additifs, dont la
liste autorisée est strictement définie, ont en
réalité des rôles majeurs", peut-on lire sur le
site de la Facco,
qui n'a pas donné suite à notre demande
d'entretien.
Ce serait
des compléments de formule, comme des minéraux,
des oligoéléments, des conservateurs de
nutriments fragiles... "
"Additif" ne signifie donc pas "artificiel", il
s'agit d'un plus apporté à la sécurité
alimentaire des animaux domestiques "explique
l'industrie."
Bien sûr que beaucoup de ces additifs sont
chimiques
: *la liste de la Commission européenne en a
fait 200 pages !* rectifie Hans Grimm.
Mais il n'y a pas que ça : la réglementation
européenne n'impose pas l'étiquetage de la liste
complète des additifs incorporés aux croquettes.
Pour la connaître, le consommateur peut
toutefois en faire la demande auprès du
responsable de l'étiquetage, apprend-on du côté
de la répression des fraudes, la DGCCRF.
Sans commentaire !
D'autant que, à en croire les fabricants, les
croquettes respecteraient les standards de
l'alimentation humaine ? "En manger serait une
expérience journalistiquement intéressante. Je
vous encourage à la tenter, car personnellement
je ne le ferais pas", lance malicieusement le
journaliste allemand. Malheureusement, nous
n'avons pas trouvé de volontaire pour rejouer
*Super Size Me* version croquettes.
Est-ce que le consommateur est pour autant à
l'abri des fraudes ? En 2007, aux Etats-Unis,
les industriels de l'aliment pour animaux se
sont retrouvés face à une crise majeure : des
céréales importées de Chine se comportaient
comme
de la mélamine, une substance chimique dopant
artificiellement le taux de protéines. Un
violent poison
aussi, occasionnant la mort probable de
plusieurs milliers d'animaux domestiques.
A la suite de quoi l'industrie a dû rappeler les
lots contaminés et affronter dans la foulée une
action de classe au plan judiciaire. Bien sûr,
les fabricants se disent avoir été *victimes* ?
de leurs fournisseurs chinois. Mais ont-ils mené
correctement les contrôles à l'importation ? La
question reste posée. Car ce n'est pas la
première fois que le secteur agroalimentaire se
retrouve impliqué dans des scandales, et pas
toujours à son corps défendant. Sans parler de
certaines pratiques qui donnent la nausée :
chenils expérimentaux, vivisection afin de
valider l'efficacité des formules alimentaires,
tests cruels sur animaux effectués dans d'autres
activités de groupe... La plupart des firmes
impliquées dans l'alimentation animale sont
ainsi montrées du doigt par les associations de
défense des animaux Peta et Uncaged, dont
certaines, comme Procter & Gamble, sont sur leur
liste noire. De quoi provoquer un sérieux
malaise et la suspicion chez les consommateurs.
Une suspicion qui éclabousse le monde
vétérinaire,
l'immense majorité des praticiens étant aussi
prescripteurs et vendeurs de croquettes,
généralement en toute bonne foi. Et pour cause !
Dès leur arrivée à l'université, les étudiants
vétérinaires goûtent aux largesses des firmes,
aux petits soins pour eux.
"Elles parrainent des événements extrascolaires,
fournissent des polycopiés et des livres, nous
font bénéficier de promotions sur les croquettes
pour nos animaux de compagnie... Evidemment
qu'elles nous bichonnent : nous sommes leurs
futurs clients", expliquent deux étudiantes en
deuxième année à
Maisons-Alfort.
Une alliance parfaitement assumée jusque dans
les hautes sphères du corps universitaire. A la
chaire d'alimentation,
le Pr Dominique Grandjean est transparent sur
ses liens avec Royal Canin.
Son confrère
Bernard-Marie Paragon entretient aussi des
contacts professionnels avec des producteurs.
Des vendus aux marchands de croquettes ? ***
Ne me faites pas dire ce que je n'ai jamais
dit…….. a-t-il répondu...*** et
Le top du top reste l'alimentation ménagère, à
condition de fournir une nourriture parfaitement
équilibrée à l'animal. "Autrement dit, un chien
peut bien manger comme ses maîtres et se régaler
des restes." Seulement cette alimentation est
complexe à mettre en place, poursuit-il. Elle
prend du temps et elle est plus chère, quoique,
avec l'arrivée des hard discounters dans la
distribution, ce point soit discutable...? "
Un nouveau marché
Une position étonnamment plus proche qu'on
aurait pu le penser de celle de beaucoup
d'opposants aux croquettes. Manifestement, les
temps changent. En France, des universitaires
n'hésitent pas à recommander des sites qui proposent à la vente des
rations ménagères élaborées par des vétérinaires
nutritionnistes. En Australie, le Dr Billinghurst s'est lancé dans
l'industrialisation de rations confectionnées et
distribuées dans son pays ainsi qu'à Taïwan :
"Pas de conservateurs chimiques. Les aliments
sont surgelés. Et chez nous, pas de prion."
Apparemment un nouveau marché est en train de
naître. A la grande joie du pionnier du Barf,
qui se dit philosophiquement heureux même si la
compétition est rude. " Les chiens n'ont pas
attendu quinze mille ans pour bien s'alimenter :
ils ont toujours partagé la nourriture de
l'homme en bons compagnons. Maintenant, quand on
voit ce que mange l'homme...", se désole le Dr
Lippert. Son souhait ? Que la recherche de
qualité pour nos animaux domestiques permette à
l'homme de mieux se prendre en charge et de
recommencer à se nourrir correctement.
L'or de l'alimentation animale
51 % des foyers français
possèdent un animal (Facco/TNS Sofres). En
France, on compte 7,8 millions de chiens,
contre 10,7 millions de chats (Facco/TNS
Sofres).
En 2008,
78 % des possesseurs de chiens et 89 % des
possesseurs de chats ont acheté au moins une
fois des croquettes et des pires car les plus
connues. (Kantar Worldpanel).
Pour les chiens,
la dépense moyenne annuelle en nourriture
industrielle est de 120 €, contre 126 € pour les
chats (Kantar Worldpanel).
Selon IRI France,
en 2009, dans les grandes surfaces (environ 60 %
de la distribution), il s'est vendu pour 296 000
tonnes de croquettes pour chiens. Une baisse en
volume de 1,5 % par rapport à 2008, en raison de
la concurrence des circuits spécifiques
(animaleries, vétérinaires, etc.). Il reste que
le chiffre d'affaires des croquettes en
hyper et supermarché a été en hausse de 1,4 %
sur la même période, avec 438 millions d'euros.
Côté
chats, il s'est écoulé 149 000 tonnes de
croquettes, soit une hausse de 4,4 % par rapport
à 2008, avec un chiffre d'affaires de 336
millions d'euros, en hausse de 10,9 %. Médor et
Mistigri ne connaissent pas la crise.
Malheureusement ils en subissent les effets.
